I.
L’ILLUSION
«
Le mentalisme, c’est quoi ? » Si vous posez cette
question à un mentaliste, il commencera probablement par préciser que ce qu’il
s’apprête à répondre n’est que sa définition subjective, et qu’il n’existe
aucun consensus sur une « définition officielle » précise du mentalisme.
Pour
définir simplement le mentalisme, il faut d’abord se pencher sur la perception
qu’en a le public. Dans l’imaginaire collectif, un mentaliste est perçu comme
un individu mystérieux, charismatique, envoûtant, doté du pouvoir de lire dans
les pensées, d’influencer les comportements et de prévoir l’avenir.
En
réalité, le mentalisme, c’est plutôt l’art de donner l’illusion de
posséder ces capacités (« charmer, lire dans les pensées, influencer les
comportements, prévoir l’avenir »), sans les avoir réellement. Voici une
tentative de définition neutre et rigoureuse, afin qu’elle puisse être commune
à tous :
«
Mentalisme (n.m) : discipline artistique qui consiste à créer l’illusion
de facultés paranormales ou hors normes, en lien avec l’esprit humain
(télépathie, prédiction, influence, hypnose…). »
Bien
que rigoureuse, cette définition reste incomplète. Le mentaliste britannique Derren
Brown, considéré comme le père du mentalisme moderne (début des années
2000), se définit comme un illusionniste psychologique, dont les
méthodes reposent sur « un mélange de magie, de suggestion, de psychologie, de
distraction et de charisme ». Il a également mené un combat pour démystifier
les charlatans (médiums, voyants, guérisseurs) et les pseudo-experts
scientifiques.
Quelques
années plus tard, la série télévisée The Mentalist – inspirée du travail
de Derren Brown et conseillée par Luke Jermay – propose cette définition :
«
Mentaliste [mɑ̃talist]
:
quelqu’un qui utilise l’acuité mentale, l’hypnose et/ou la suggestion. »
Dans
la série, le personnage de Patrick Jane, mentaliste consultant pour la
police fédérale, est présenté comme spécialiste dans de nombreux domaines liés
aux capacités mentales ou sociales, mais aussi à des disciplines scientifiques,
culturelles ou de divertissement, comme :
L’hypnose (conversationnelle, thérapeutique, de spectacle, impromptue…)
La détection de mensonge
Le langage non-verbal
Les micro-expressions
Les capacités dites « cognitives » (mémoire, calcul mental, échecs, énigmes…)
La négociation
La suggestion
La vente
Le profiling
La comédie
L’influence subliminale
La séduction
Le fonctionnement anatomique, musculaire et chimique du corps humain
La publicité
La graphologie
La magie et l’illusionnisme
La lecture à froid (cold reading)
La persuasion rhétorique
La méditation
Les démonstrations de spiritisme (voyance, médiumnité, magnétisme)
Le pickpocketisme
La conversion religieuse/sectaire
La psychothérapie (psychologie, psychanalyse)
Aujourd’hui,
cette présentation est la plus répandue : les mentalistes se présentent comme
des spécialistes dans un ou plusieurs de ces domaines, et leur définition
personnelle du mentalisme varie selon leur spécialisation.
Historiquement,
le mentaliste descend symboliquement de toute figure dotée d’un pouvoir dit «
surnaturel » : le chaman, la pythie en Grèce antique, ou les prophètes
religieux autoproclamés. Plus précisément, il est l’héritier des faux médiums,
voyants et prêcheurs depuis les sociétés primitives jusqu’à aujourd’hui –
nomades, itinérants, en tournée, puis par visioconférence. Les premiers «
médiums » au sens moderne apparaissent au XIXᵉ siècle (sœurs
Fox, frères Davenport), remplacés par des figures comme Anna Eva Fay puis le
célèbre Alexander.
À
partir des années 1950, avec l’essor de la société de consommation, le
mentalisme s’impose surtout comme un divertissement, et non plus comme un
courant artistique ou spirituel. Les mentalistes deviennent des « amuseurs »
ou, plus clairement, des vendeurs de miracle sous le couvert éthique du
spectacle. Comme le résumait le couple Myr & Myroska :
«
S’il n’y a pas de truc c’est formidable, mais s’il y en a un, reconnaissez que
c’est encore plus fort ! »
Les
charlatans spirituels, parapsychologues et pseudoscientifiques ont continué
d’exister. Uri Geller, « magnétiseur » israélo-britannique, a par
exemple convaincu le monde entier pendant plus de 40 ans qu’il possédait des
pouvoirs, simplement en tordant des cuillères. Il a même affirmé, dans un
documentaire de 2013 aux côtés de Benjamin Netanyahu, avoir été recruté par le
Mossad et la CIA pour détruire des disques durs soviétiques par la pensée.
À
partir des années 2000, une nouvelle approche émerge : le mentalisme «
scientifique » et « critique », incarné par Patrick Jane (cf. The
Mentalist) et inspiré des spectacles et émissions de Derren Brown. Cette
approche apporte une dimension nouvelle : la dénonciation des imposteurs qui
exploitent la crédulité pour soutirer de l’argent. Parmi les figures engagées,
on trouve James Randi (héritier spirituel d’Harry Houdini dans la
lutte contre les faux médiums) – qui révéla par exemple que le télévangéliste Peter
Popoff utilisait une oreillette et des complices pour « propager la
parole de Dieu » – ou encore Clément Freze, mentaliste français
actif contre le complotisme et la désinformation.
C’est
aussi à cette époque que s’installe l’image populaire actuelle du mentaliste :
l’expert en psychologie, mémoire, langage non-verbal, triche, magie et
influence, qui se produit sur scène ou lors d’événements. Héritée de Derren
Brown et The Mentalist, cette image est popularisée par Lior Suchard
(Israël), Oz Pearlman (États-Unis), Fabien Olicard, Viktor
Vincent, Rémi Larousse et Léo Brière (France), ainsi que par
des œuvres audiovisuelles comme Insaisissables, Lie To Me ou Sherlock
(où Derren Brown apparaît en personne).
Plus
récemment, une « nouvelle génération » émerge, notamment Charlie Haid et
Antoine Langloys (France), actifs surtout sur les réseaux sociaux dans
des formats courts, hérités de la magie de rue et popularisé par Fabien
Olicard. L’hypnotiseur Messmer (Canada) contribue aussi à populariser
une vision commune de l’hypnose. Sur YouTube, on peut citer Spidey
(États-Unis) ou Pierr Cika (Belgique) pour le divertissement, ainsi que
divers influenceurs mêlant hypnose et développement personnel, comme Haim
Livai (France).
De
nombreux créateurs ont façonné l’art et les méthodes du mentalisme, parmi les
plus influents entre les années 1930 et aujourd’hui : Luke Jermay, Banachek,
Hector Chadwick, The Jerx, Bob Cassidy, David Hoy, Tony
Corinda, John Archer, Theodore Annemann, Joseph Dunninger,
Fraser Parker, Angelo Stagnaro, Peter Turner, Kenton
Knepper, Eugene Burger, Lewis Le Val, Alexander Marsh,
Richard Osterlind, Greg Rostami, Max Maven, Larry
Becker, Harry Blackstone, Timon Krause, Al Mann, Bruce
Bernstein, Paul Brook, Michael Murray, Mark Elsdon, Ben
Seidman, Docc Hilford, Asi Wind, Mark Lemon, Ian
Rowland, Richard Webster, Al Baker, T. A. Waters, Colin
Cloud, Phedon Bilek… et, en France, Vincent Hedan, Gabriel
Werlen, Xavier Nicolas, Guillaume Botta, Gary Kurtz, Benoît
Campana, Féodor, Sylvain Vip & Maxime Schucht, Julien
Losa, Taha Mansour, Yves Doumergue.
En
hypnose, on peut mentionner Milton Erickson, Robert Nelson, Perna,
Jean-Emmanuel Combe, John Fisher, Marcel Rouet, Richard
Bandler, Igor Ledochowski, Jonathan Royle, Anthony Jacquin.
(Cette
liste n’est évidemment pas exhaustive, et sa pertinence est influencée par des
oublis, mon ignorance et mes propres influences.)
Ainsi,
si l’on inclut aussi les imposteurs (médiums, prophètes, etc.) dans les
mentalistes, on peut distinguer deux grandes approches dans l’art du mentalisme
:
- Approche psychique : démonstrations surnaturelles, spirituelles ou
religieuses, souvent avec un dialogue intime, une conversion ou une
prétendue guérison, ou encore un phénomène défiant les lois scientifiques.
- Approche psychologique : expériences rationnelles
mais extraordinaires, basées sur un ensemble de techniques issues de
diverses disciplines et acquises au fil d’une carrière intrigante.
Ces
approches peuvent être exercées :
- De manière éthique : un mentaliste psychique dénonçant les méthodes et
dangers des charlatans (démarche zététique), ou un mentaliste
psychologique se produisant uniquement dans un cadre artistique.
- De manière malhonnête : un mentaliste psychique prétendant à des pouvoirs
réels pour vendre des séances privées, ou un mentaliste psychologique
vendant de fausses formations onéreuses.
Rappel
: Toutes ces distinctions ne sont que conceptuelles et permettent d’illustrer
des tendances qui ont pu être observée dans l’histoire et l’évolution du
mentalisme, mais ne peuvent en aucun cas s’appliquer à la perfection au style
et au mode de présentation de chaque mentaliste étudié individuellement. Cette
vision permet d’étudier d’une manière globale l’impact et les changements de la
discipline à travers l’évolution de la société et de la culture.
Pour
résumer, si on faisait la somme (abstraite) de toutes les réponses à la
question « Le mentalisme, c’est quoi ? » par tous les
concernés, on obtiendrait probablement une définition comme celle-ci :
«
Mentaliste [mɑ̃talist] (n.m) :
discipline artistique qui consiste à créer l’illusion psychologique de facultés
extraordinaires ou surnaturelles (télépathie, prédiction, influence, hypnose…)
grâce à un mélange de disciplines variées telles que la magie, la suggestion,
la psychologie, la mise en scène, la science et des compétences mentales et
sociales accrues (mémoire, logique, observation, éloquence). Les méthodes du
mentalisme peuvent être utilisées pour mentir et arnaquer ou bien pour divertir
et éduquer. »
II.
L’IMPOSTURE
Voilà
une définition du mentalisme bien agréable et confortable pour l’artiste
mentaliste moyen. Cette vision de la discipline comme un art noble et
émerveillant – parfois détourné par des charlatans pour leur profit personnel
(mais toujours débunkés par d’autres mentalistes engagés) – correspond à
une perception idéaliste et largement partagée de la pratique, de son histoire
et de ses controverses. Une vision légère, déresponsabilisante, qui donne bonne
conscience à celui qui y adhère lorsqu’il pratique un mentalisme «
éthique », mais qui, en réalité, le rend hypocrite et complice du
fonctionnement et des valeurs réelles du milieu, bien moins glorieux.
En
vérité, le mentalisme n’est pas une discipline intemporelle, ésotérique ou
détachée de l’actualité. C’est même l’inverse : il a évolué en même temps que
la société occidentale, en étant l’un de ses symptômes, depuis son apparition
au début du XXᵉ
siècle.
Pendant
la première moitié du siècle, les mentalistes conservaient une approche psychique
et restaient proches du spiritisme et du surnaturel, assumant pour la plupart
un rôle de charlatan. La situation politique de l’époque (guerres mondiales,
exploitation, pauvreté, impérialismes, régimes fascistes, génocides) ne
favorisait pas l’émergence d’un divertissement perçu comme intellectuel ou
scientifique – tout en restant futile.
Mais
au début des Trente Glorieuses, le mentalisme s’adapte : avec le « American
Way of Life » en tête et l’entrée dans l’ère du consumérisme et du
divertissement à volonté, il se fait une place de choix dans ce milieu, grâce à
la magie de scène, aux cabarets et aux événements publicitaires. Il adopte
l’approche du vaudeville : une forme de divertissement sans enjeu
profond, ici centrée sur le mystère, l’humour et l’émerveillement. Le
mentaliste devient souvent un magicien « alternatif » – plus élégant, plus
envoûtant et plus surprenant – qui ne revendique aucun pouvoir mais adopte une
posture d’amuseur (Tony Corinda, Theodore Annemann).
Depuis
l’arrivée du New Age et des théories complotistes modernes, les mentalistes
charlatans surfent sur ces tendances et exploitent l’ignorance et la crédulité
du public pour passer à la télévision, vendre des formations ou des livres,
encourager de fausses croyances et monnayer des « sessions » de soins
illusoires, en s’alignant pleinement sur les milieux spirituels et
conspirationnistes.
À
la fin de la Guerre froide, en 1991, et avec la victoire politique des
États-Unis, l’élan néolibéral déjà bien implanté en Europe transforme le
mentalisme en un « marché libre » indépendant, privé et dissimulé au public. On
justifie cette opacité par le besoin de « préserver le mystère » au
bénéfice des spectateurs et de la discipline.
À
partir des années 2000, le « moment Derren Brown » impose l’aspect scientifique
et psychologique du mentalisme (encore aujourd’hui le plus répandu). Les
mentalistes dits « éthiques » s’approprient alors les domaines en vogue, se
présentant comme des experts (cf. I – domaines d’expertise de Patrick Jane
dans The Mentalist) ou comme des passionnés ayant étudié et combiné
plusieurs disciplines dans leurs spectacles (Fabien Olicard et ses
« successeurs » en France).
Le
problème est que ces disciplines exigent une expertise réelle que le mentaliste
ne possède pas. Un mentaliste est un artiste, et prétendre agir en lieu et
place d’un thérapeute, d’un scientifique (avec diplôme, méthode et
déontologie), ou prétendre détecter le mensonge ou les micro-expressions à
l’œil nu – ce qui est scientifiquement impossible – relève de la malhonnêteté.
Leurs méthodes sont en réalité des techniques de prestidigitation et de mise en
scène.
À
ce stade, il est important d’introduire une notion capitale pour comprendre
l’impact du mentalisme ou de l’hypnose sur le public : la suspension
consentie de l’incrédulité.
Cette
notion désigne le fait, en tant que spectateur d’une œuvre de fiction, de
mettre volontairement de côté son objectivité le temps de l’expérience, pour
mieux l’apprécier. C’est ce qui nous fait rire ou pleurer devant un film ou un
spectacle : nous acceptons de croire à ce que nous voyons, en oubliant que ce
n’est pas réel. On joue le jeu, et cela provoque des réactions authentiques.
Le
problème, c’est que dans le mentalisme ou l’hypnose, la frontière entre réalité
et fiction est beaucoup plus floue que dans le cinéma ou le théâtre.
L’ambiguïté entre vraies compétences et apparence de pouvoirs est même la
raison d’être de ces disciplines : le public s’interroge – « Est-ce vrai ? »,
« Possède-t-il réellement cette capacité ? ».
Or,
brouiller cette limite en dehors du cadre du spectacle peut être dangereux
lorsque cela influence concrètement le quotidien, les finances ou la santé
mentale d’une personne.
À
l’exception du cas « Derren Brown » dans ses premières productions – dont
certaines méthodes restent encore aujourd’hui mystérieuses pour ses effets les
plus spectaculaires – tous les mentalistes qui affirment utiliser « un
mélange de disciplines variées telles que la magie, la suggestion, la
psychologie, la mise en scène, la science (détection de mensonge, non-verbal,
micro-expressions) et des compétences mentales et sociales accrues (mémoire,
logique, observation, éloquence) » dans leurs spectacles mentent. Ils
emploient en réalité l’illusionnisme, la suggestion et la mise en scène pour donner
l’illusion qu’ils sont spécialistes dans plusieurs domaines
où ils n’ont en réalité aucune légitimité réelle.
« Donner l’illusion »
: cette formule, très utilisée par les mentalistes malhonnêtes qui se
prétendent « éthiques », signifie en pratique faire croire. Or, faire
croire à une expertise inexistante, c’est tromper. L’écrasante majorité de ces
mentalistes ne valent pas mieux que les charlatans qu’ils prétendent dénoncer ;
ils cultivent le mythe du « mélange de disciplines » pour masquer qu’ils sont
simplement des illusionnistes se donnant des airs de « super-héros » des
relations sociales et de l’apprentissage.
Ce
discours pose deux problèmes majeurs. D’abord, il alimente chez l’artiste un syndrome
de l’imposteur : sa reconnaissance et sa carrière reposent sur une
surestimation de ses compétences par le public. Ensuite, il ouvre la porte à la
vente de livres ou de formations destinées au grand public pour « apprendre à
être mentaliste », qui ne contiennent en réalité que quelques tours de magie
enfantins, des techniques élémentaires de calcul mental et de mémoire, des
notions souvent approximatives sur la détection de mensonge, les
micro-expressions et le langage non-verbal, quelques bases de psychologie
sociale, et parfois du cold
reading (technique des charlatans psychiques : médiums, voyants,
astrologues). Jamais ces ouvrages ne permettront au lecteur de reproduire ce
que l’auteur réalise sur scène. C’est ce qu’on appelle de la publicité
mensongère et de l’abus de confiance.
Ces
mentalistes se vendent à travers leurs spectacles et interventions, mais
lorsqu’ils proposent à leur communauté de « devenir mentalistes », ils ne
livrent que des recettes de développement personnel maquillées en enseignement
artistique. Ce n’est pas un hasard si nombre d’entre eux, notamment des
mentalistes-hypnotiseurs, se présentent comme coach de vie ou experts en
développement personnel, utilisant les mêmes méthodes frauduleuses.
C’est
pourquoi il est impossible d’apprendre les méthodes réelles des professionnels
sans « passer de l’autre côté du miroir » et découvrir une vérité
décevante : la majorité des mentalistes ne sont que des illusionnistes qui,
sous couvert du secret artistique et d’une éthique hypocrite, entretiennent et
renforcent de fausses croyances pour être perçus comme des êtres
extraordinaires et empocher quelques cachets.
Paradoxalement,
les plus éthiques sont souvent ceux qui se présentent d’emblée comme des
amuseurs, menteurs ou tricheurs, et qui ne sortent pas du cadre du spectacle de
type vaudeville.
Les créateurs cités dans le I.
sont avant tout des créateurs d’illusions – psychologiques, visuelles ou
rhétoriques – qui restent des tours
de magie, même lorsque les thèmes abordés sont « adultes » (si
cela existe) ou complexes.
L’art
du mentalisme, c’est l’art de tromper.
Mais l’artiste ne doit tromper que dans le cadre moralement acceptable de l’art
et du divertissement ; cela n’implique en aucun cas de mentir sur soi ou sur
ses prétendues capacités.
Le
problème central aujourd’hui est la persistance du mythe selon lequel les
mentalistes seraient des « spécialistes utilisant de nombreuses compétences
complexes et longues à maîtriser, issues de plusieurs disciplines liées à
l’esprit et au potentiel humain, aux talents et compétences
extraordinaires ». Une telle vision, poussée à l’extrême, déforme
profondément la perception que le public a du mentaliste… et que le mentaliste
a de lui-même.
Les
créateurs en mentalisme, pour leur part, refusent souvent de condamner ces
dérives, se défaussant sur la responsabilité individuelle de ceux qui utilisent
leur travail de façon malhonnête. Cette absence de prise de position les rend
complices passifs, voire directement coupables lorsqu’ils intègrent eux-mêmes
ces postures trompeuses à leurs présentations.
Comment
une telle hypocrisie a-t-elle pu se généraliser au point de devenir la norme
dans le milieu ? Pourquoi un art issu à la fois des charlatans mais aussi des
illusionnistes, qui pourrait être porteur de sens, s’est-il transformé en
vitrine pour les pseudosciences, le développement personnel et les fausses
croyances, incarné par une figure arrogante qui prétend « former » ou « guider
» son public ?
La
réponse est simple : le mentalisme a été façonné par le capitalisme néolibéral
du XXIᵉ
siècle, qui en a fait un marché parfaitement aligné sur son fonctionnement et
ses valeurs.
Historiquement,
tous les imposteurs et arnaqueurs cités plus haut – ancêtres symboliques du mentaliste
– étaient motivés avant tout par l’appât de l’argent facile, tiré de la
crédulité des gens. Cette logique s’est systématisée dans la seconde moitié du
XXᵉ
siècle.
Aujourd’hui,
si l’on analyse simplement le fonctionnement économique du monde du mentalisme,
on constate qu’il s’agit d’une véritable industrie, comparable, dans sa
structure, à des entreprises comme Netflix, Amazon ou Shein. C’est un marché
parallèle, privé, réservé aux initiés, qui fonctionne sur les mêmes principes
que le capitalisme traditionnel.
Voici
son fonctionnement (simplifié) :
Les
créateurs conçoivent des effets (techniques, scénarios de présentation,
qui nécessitent parfois du matériel) qu’ils vendent à d’autres mentalistes,
professionnels ou amateurs, principalement sur Internet, mais aussi dans des
boutiques spécialisées ou lors de conventions.
Des
boutiques en ligne spécialisées (Magic Dream, Bigmagie ou MarchandDeTrucs
en France) servent de revendeurs. Les plus importants sont américains : Ellusionist,
Penguin Magic et Murphy’s Magic. Ces revendeurs prennent la part
majoritaire des bénéfices, laissant un pourcentage au créateur – un modèle
similaire à celui de l’édition de livres ou de la distribution de films.
Pour
contourner ce système peu rentable pour les créateurs, certaines de ces
entreprises les emploient directement afin de produire un grand nombre d’effets
à grande échelle. Ces producteurs industriels d’effets peuvent être comparés
aux studios de cinéma ou aux grandes maisons d’éditions dans la littérature (MarchandDeTrucs
ou Mindbox en France).
La
concurrence et la publicité sont omniprésentes : bandes-annonces pour chaque
effet, citations d’artistes célèbres pour appuyer la crédibilité du produit,
notes et avis en ligne…
Le
problème de ce système, c’est que la motivation première devient l’argent.
Énormément d’effets sont publiés en permanence, et la plupart recyclant
d’anciennes méthodes. Même les bonnes idées sont développées avant tout pour
leur potentiel commercial, pas pour leur intérêt artistique. Résultat : la
créativité et la sincérité passent après la rentabilité et le statut, au point
de sortir complètement de l’équation.
Cette
logique a transformé la dimension artistique du mentalisme en un aspect
purement commercial et superficiel. Comme dans l’industrie
cinématographique actuelle, dont la majorité des nouvelles sorties sont des
blockbusters médiocres recyclant les mêmes ficelles, sans réelle innovation.
Les prix sont souvent indécents : deux morceaux de plastique vendus dans les 50
€ au nom du « respect du secret », de simples livres vendus plusieurs centaines
d’euros pour leur prétendue « valeur théorique », etc.
Évidemment,
il faut respecter le travail des créateurs, parfois colossal (Ex. Mindbox),
mais le client mérite également un certain respect, surtout lorsque c’est le
manque de moyens financiers qui empêche un amateur de se former.
Avec
l’essor des réseaux sociaux, le mentalisme suit l’évolution du divertissement :
formats courts, rythmés, optimisés pour capter l’attention. TikTok et Instagram
popularisent des vidéos d’une minute maximum, souvent sous forme de
micros-trottoirs ou de vidéos ultra-courtes (environ 1 min.). Cette tendance
s’inscrit dans une fragmentation globale de l’attention, déjà observée au
cinéma et à la télévision (cf. La Monoforme théorisée par Peter
Watkins).
Enfin,
les valeurs dominantes du mentalisme actuel sont directement héritées du
discours dominant sur le travail et l’art :
- Mérite
: comme un entrepreneur ou un travailleur, le mentaliste doit « travailler dur
» pour obtenir ses secrets et ses compétences.
- Élitisme
: il appartient à une « élite » qui se distingue par son savoir et ses talents,
et qui doit être traitée comme telle.
- Conservation
de l’ordre établi
: les effets doivent respecter des règles implicites du milieu (pas de
complice, sujets tabous, stéréotypes) et leurs innovations
« artistiques » ne sont que des innovations « techniques »
de méthode et de présentation, mais jamais le fond ni l’impact des effets n’est
discuté.
- Héroïsation
de l’individu
: à l’image du mythe du self-made man, le mentaliste est présenté comme un
individu exceptionnel, capable de tout réussir seul, tel un super-héros.
(Conséquence
terrible de l’idéologie individualiste - vision de la société comme fondée sur l’individu
comme seule réalité, où l’action individuelle et le travail personnel sont
supposés pouvoir changer la société. Cette vision du monde, profondément
égoïste et anti-solidaire, se fait complice de la domination systémique en
bannissant la lutte collective dans l’imaginaire commun « On ne peut pas
faire ce qu’on ne peut pas penser » – la Novlangue de George Orwell dans 1984)
- Culture
bourgeoise parallèle
: usage d’un langage et de références élitistes, inaccessibles aux non-initiés.
Beaucoup de moyens (argent, réseau, notoriété) sont demandés pour pratiquer la
discipline.
- Concurrence
permanente
: recherche du « meilleur effet » avec la « méthode la plus propre », par le «
meilleur mentaliste », et ce constamment, au détriment du prix de vente et des
conditions de production (délocalisation et exploitation).
- Patriarcat
et racisme invisibles
: on constate facilement que l’écrasante majorité des mentalistes sont des
hommes blancs et favorisés, et cette absence totale de diversité peut
intriguer. En réalité, c’est simplement car le monde du mentalisme n’est le
plus souvent accessible que dans un environnement bourgeois masculin
occidental. Cela entraîne un mépris banalisé des femmes en mentalisme
(inexistantes, à part en tant que médiums ou assistantes) et une exclusion
quasiment systématique des personnes racisées dans ce monde dit « artistique »,
particulièrement en France.
III.
L’ALTERNATIVE
Nous
voilà désormais conscients des problèmes que pose le mentalisme aujourd’hui,
des incohérences qu’il porte et de son impact sur les croyances – comme sur les
portefeuilles – du public. Un tel constat, aussi pessimiste soit-il, pourrait
nous dégoûter de cette discipline et nous pousser à la reléguer dans la liste
des « arnaques » à bannir à tout prix.
Pourtant,
le mentalisme ne se réduit pas à cela. Des artistes comme Derren Brown
ou Luke Jermay (pour ne citer qu’eux) montrent que la cause n’est pas
perdue, et que cet art a bien plus à offrir que les effets médiocres vendus et
présentés par les pseudo-artistes et créateurs qui saturent le marché actuel.
Le
mentalisme ne peut pas rester inutile, élitiste et dangereux tel qu’il l’est
aujourd’hui. Mais l’enterrer prématurément reviendrait à se priver d’une voie
d’expression capable de lutter contre les instances de domination et
d’extorsion.
Je
persiste à penser que la société capitaliste a « dépouillé » le mentalisme de
son essence sociale et de sa portée politique, laissant s’installer toutes les
valeurs empoisonnées décrites dans la partie II.
L’objectif
de ce manifeste est donc de présenter et défendre ma vision du mentalisme : un
projet artistique, militant et pluridisciplinaire, débarrassé
de ses problématiques futiles, de ses dérives éthiques et morales, et lavé de
ses contradictions.
Comment
transformer cet art, aujourd’hui corrompu et clivant, en un art réellement
noble, tourné vers l’art engagé et l’éducation populaire ?
Avant
d’y répondre, revenons à la racine de notre raisonnement : « Le mentalisme,
c’est quoi ? » Car toutes les dérives de la discipline découlent de
l’ambiguïté entourant la figure du mentaliste et ses prétendues capacités. Ce
flou – dû à l’absence de définition claire – permet toutes les interprétations,
y compris les plus malhonnêtes.
Définir
le mentalisme comme une « discipline artistique qui consiste à créer
l’illusion psychologique de facultés extraordinaires ou surnaturelles
(télépathie, prédiction, influence, hypnose…) grâce à un mélange de disciplines
variées telles que la magie, la suggestion, la psychologie, la mise en scène,
la science et des compétences mentales et sociales accrues (mémoire, logique,
observation, éloquence) » est psychologiquement confortable mais
complètement inutile pour déterminer quelles méthodes, quels sujets ou quels
individus la discipline désigne.
En
clair, avec une telle définition, le mentaliste est simplement quelqu’un qui
fait croire qu’il est expert dans une ou plusieurs disciplines. Autrement
dit : un expert dans l’art de faire croire qu’il est expert dans autre chose.
Voilà qui nous avance.
Il
est donc nécessaire d’élaborer une définition objective et conceptuelle
du mentalisme, qui ne puisse pas être interprétée de manière ambiguë ou
trompeuse.
Pour
commencer, nous devons affirmer que le mentalisme est un art – et rien
d’autre. Cela écarte d’emblée toute prétention pseudoscientifique,
scientifique, spiritualiste ou sectaire. Ce n’est ni un pouvoir, ni une
croyance, ni une expertise académique reconnue.
Ensuite,
nous devons comprendre que le mentalisme s’apparente à une méta-discipline,
(Méta-discipline : qui n’étudie pas un sujet en particulier, mais qui
s’applique à tous les domaines en tant que méthode ou angle
d’approche)
Exemple :
la philosophie est une méta-discipline car elle ne se penche pas sur un sujet
en particulier, mais permet plutôt d’aborder tous les sujets avec la même
approche. Dans un monde parallèle où les philosophes sont des charlatans, si
vous alliez voir un philosophe en lui demandant « C’est quoi, la
philosophie ? », il pourrait vous répondre « Alors, moi je
suis philosophe, c’est-à-dire que je suis expert en conscience » alors
qu’un autre répondrait « Moi, je suis expert en vérité » et
qu’un autre encore vous dirait « Moi, je suis expert en nature et en
liberté », etc...
On
ne s’y retrouve pas. Ces définitions ne sont pas complètement fausses (expert en
conscience / vérité / nature / liberté) mais elles ne sont pas vraies
pour autant : un philosophe n’est pas à proprement parler un expert dans
ces domaines-là, mais c’est plutôt un expert dans le fait d’étudier ces
domaines en utilisant des méthodes de réflexion rationnelles et logiques
(outils de la philosophie).
De
la même manière, un mentaliste, comme expliqué précédemment, ce n’est pas
réellement un expert dans plusieurs domaines/disciplines, mais plutôt un expert
dans le fait de prétendre à des compétences issues de ces domaines. On le
constate très facilement : « Je suis expert en voyance / Je suis
expert en micro-expressions / Je suis expert en influence ». On ne s’y
retrouve pas non plus. Par conséquent, le mentalisme est une méta-discipline,
ou plus précisément, c’est l’art qui est issu d’une méta-discipline spécifique.
Il ne nous reste plus qu’à déterminer quelle est cette méta-discipline.
Voici
ce que nous devons nous demander : De quoi le mentaliste est-il réellement
un expert ? Qu’est-ce qu’un mentaliste étudie pour réussir ses
effets ? Le mentalisme, c’est l’art de quoi ? Pareil qu’entre la
philosophie et la méthode avec laquelle elle traite ses sujets, quelle est la
discipline qui étudie ses sujets à travers les méthodes du mentalisme ?
Plus
précisément, nous devons désigner la « méta-discipline » réelle dont
le mentalisme est l’expression artistique, qui permet aux artistes
mentalistes de prétendre à un nombre infini de capacités (voyance, lecture
de pensée, mensonge, déduction, etc…) qu’ils n’ont pas réellement.
Avec
l’approche que je vous propose, c’est cette méta-discipline qui guide la
manière dont le mentalisme va être pratiqué, car c’est cette dernière qui donne
une raison à la pratique de l’art – éthiquement, artistiquement, sans conflit
moral ni contrainte matérielle, qui dépend seulement de la créativité et du
message que cherche à transmettre l’artiste.
Je
vous présente donc ma définition essentielle (et que j’espère objective)
du mentalisme.
«
Mentalisme [mɑ̃talism] (n.m) :
discipline artistique relevant du domaine de la manipulation. »
Manipulation.
Le mot est enfin prononcé. Cela peut paraître évident, ou abstrait,
mais imaginez tout ce que cette définition implique ; un mentaliste,
c’est un artiste expert dans la discipline de la manipulation.
Si
on y pense simplement un instant, un mentaliste, qu’est-ce que c’est, à part un
artiste qui manipule son public ? Un mentaliste, c’est
simplement un manipulateur, mais sur scène et a priori assumé.
Le
mentaliste est donc un artiste manipulateur – mais dans le cadre éthique
du spectacle et du divertissement. Cette approche replace les ancêtres du
mentalisme (charlatans, publicitaires, conseillers politiques…) dans une même
lignée : celle de ceux qui orientent ou influencent les comportements.
Un
spectacle/effet de mentalisme doit être considéré comme une œuvre fictionnelle,
basée sur diverses méthodes de manipulation – individuelle ou collective (illusion,
distraction, rhétorique). Par conséquent, la seule
légitimité/expertise qu’on peut accorder aux mentalistes, c’est celle dans
cette « méta-discipline » de la manipulation. Et cette perception du
rôle de mentalise résout tous les problèmes d’ambiguïté liés aux méthodes
utilisées et à l’honnêteté de l’artiste. Si c’est un manipulateur, il va piocher
dans toutes les méthodes disponibles pour manipuler ses spectateurs le
temps d’un effet/spectacle. « Tout est bon pour manipuler le
public ». Mais cela nous fait bien comprendre qu’il n’y a pas d’expertise
réelle autre que celle de la manipulation dans cet art, et les mentalistes le
savent très bien.
Selon
moi, la beauté de l’art du mentalisme, c’est qu’à l’inverse des autres
disciplines artistiques (littérature, cinéma, musique, théâtre, etc…),
le « spectateur » est en réalité un acteur de l’œuvre ;
un spectacle de mentalisme sans public, ça n’existe pas. Cela veut dire que le
spectateur n’est plus limité par un processus cathartique (ou la
représentation d’évènements et d’émotions « guérit »
psychologiquement le spectateur), c’est-à-dire qu’il n’est plus limité à un
rôle passif d’observation comme dans les autres arts, mais est au contraire un
participant actif dont les choix vont impacter les effets. Cela est permis par
cette fameuse « suspension consentie d’incrédulité », qui
permet au spectateur cette immersion. Et je rappelle que c’est le devoir
de l’artiste mentaliste de ne pas profiter cette suspension d’esprit critique
pour tromper et arnaquer.
Ainsi,
les spectateurs peuvent vivre l’expérience d’une manipulation… sans jamais
en subir les conséquences réelles. Le potentiel pédagogique et militant est
immense : on peut recréer une situation problématique pour en démonter les
mécanismes, sans traumatisme ni préjudice. C’est pourquoi la discipline se
prête parfaitement à l’éducation de rue et à une approche où le
mentaliste est un « pédagogue » qui informe et qui engage son
public.
Un
mentaliste, en tant que spécialiste de la manipulation, a un devoir : dénoncer
les mécanismes de manipulation qui servent la domination. Bien qu’il en soit
l’héritier, il doit dénoncer tous ceux qui contribuent à cette
manipulation, en dévoilant leurs méthodes et leurs intentions. J’inclus
ici :
Les
faux prophètes / médiums / voyants / magnétiseurs
Les
charlatans pseudoscientifiques
Les
influenceurs et coachs en développement personnel
Les
grands médias populaires
Les
réseaux sociaux et l’ingénierie sociale derrière
Tous
les réalisateurs, auteurs, intellectuels et créateurs
dont le travail s’apparente à de la propagande politique
La
majorité des personnalités politiques et des célébrités influentes qui
contribuent à cette manipulation
Les
lobbys/grandes entreprises et la publicité en général
L’État
actuel et les institutions qui manipulent la population pour perpétuer
les inégalités
Et
tous les « chiens de garde » des instances de domination qui
utilisent la manipulation (individuelle, collective ou systémique)
pour obtenir l’obéissance des peuples
Je
ne vous demande en aucun cas de dévoiler vos méthodes de mentalisme au public.
Au contraire, je vous propose d’utiliser ces méthodes de mentalisme pour
expliquer et déconstruire les mécanismes de manipulation et d’asservissement, à
travers un prisme artistique et militant qui ne dépend que de vous.
Malgré
la tendance globale actuelle vers un mentalisme élitiste et vaniteux, rappelons
la nature de cet art : il est collectif par essence. C’est le seul où le
public est partie intégrante de l’œuvre. C’est le seul qui permet de
faire directement ressentir le message de l’artiste, sans besoin
de métaphores ni de projection mentale du spectateur. Le spectateur d’ailleurs,
qui serait mieux désigné en tant que participant ou même acteur de
l’œuvre. Le mentalisme, c’est le seul art qui a besoin de son
public pour exister. C’est le seul art où le public – autrement dit la majorité
(travailleurs, chômeurs, jeunes, retraités, etc…) – est nécessaire
autant que l’artiste lors de la création de l’œuvre.
Et
si nous osons nous proclamer mentalistes, nous devons l’être en nous présentant
comme des spécialistes en manipulation, rien d’autre. Nous avons au moins ce
devoir d’être honnêtes sur ce que nous sommes. Mais il ne faut pas s’arrêter
là. C’est aussi notre devoir de dénoncer et combattre les manipulateurs, et de
lutter pour la solidarité et l’organisation collective. Cela ne doit pas nous
rendre pessimistes ou nous aveugler, mais au contraire nous donner
espoir : nous pouvons continuer à émerveiller le public, cette fois-ci
sans mensonge ni névrose, avec plus de cohérence, et en luttant pour un monde
meilleur, plus humain, et fondamentalement plus libre.
« Car
le feu qui me brûle est celui qui m’éclaire »
Étienne
de La Boétie, Sonnet XV (vers
1550)